Malgré les événements passés et la conjoncture touristique actuelle où la faillite de Thomas Cook cristallise toutes les attentions, la France enregistre un taux de départ record. En 2018, 66% des Français de 15 ans et plus sont partis, soit 35,5 millions de Français.

Le quotidien du Tourisme revient sur ces chiffres avec une interview de Guy Raffour, Directeur de Raffour Interactif. Extraits choisis.

i-tourisme : 79% des Français partis déclarent préparer en ligne leurs séjours de loisir. Jusqu’où va aller ce chiffre ?

Guy Raffour : il progresse continuellement et les raisons sont multiples : l’importance prise par l’internet et plus particulièrement l’internet mobile, la fréquence des séjours en augmentation avec des durées de séjours réduites, les offres comparées pour obtenir le meilleur rapport qualité/ prix, des choix plus expérientiels, la lecture et le dépôt d’avis, le partage entre touristes, l’accès facilité à l’information au moment voulu, le 24/7 avec une visibilité sur les disponibilités et aux réservations en temps réel, etc. Le voyage virtuel précède de plus en plus le voyage réel.

i-tourisme : Comment est perçu ce taux très élevé de 79% par les agences ? Une menace ou un avantage ?

D’abord ce niveau de 79% d’e-touristes oblige tous les acteurs à une présence omnicanal avec une gestion de la relation client très performante. Ensuite les perceptions sont diverses : pour 26% des agences c’est un inconvénient, pour 30% c’est indifférent. Mais ce qui devient intéressant ce sont les 44% qui perçoivent cette préparation en ligne préalable comme un avantage. Ils donnent l’occasion de démontrer la valeur ajoutée de l’agence à des clients manifestant un besoin de rassurance après une première phase de préparation autonome. La surinformation, avec son corolaire de surchoix, entraine souvent une situation stressante mise à profit par les agents pour valoriser leur expertise.

i-tourisme : Et la réservation en ligne ?

Elle progresse à 55% des Français partis, encore loin des 79% de la préparation.

i-tourisme : Vous dites que les Français sont prêts à sacrifier d’autres dépenses pour pouvoir effectuer des séjours de loisir. Comment expliquez-vous cet arbitrage en faveur de cette envie de partir ?

Les nombreuses tensions sociales qui s’expriment dans notre quotidien, la recherche de productivité dans le travail, les objectifs de réussite personnelle, le stress des lieux très urbanisés, la volonté de rompre avec le quotidien, etc. supposent des soupapes de décompression régulières et apaisantes. Le besoin « vital » de partir en vacances n’a jamais été aussi élevé. D’ailleurs les Français l’anticipent : 70% des partis mettent de côté un budget spécifique qu’ils ne souhaitent pas dépasser. Par contre, il « rationalisent leur envie » en recherchant le meilleur rapport qualité/ prix pour des séjours qu’ils souhaitent de plus en plus individualisés. Ils ne veulent surtout pas contracter un crédit pour partir.

i-tourisme : Pourtant le sur mesure coûte plus que le package organisé…

Il revient aux professionnels de gérer cette demande de personnalisation tout en œuvrant, grâce à leur connaissance des offres, à l’obtention du meilleur rapport qualité/ prix. C’est devenu leur quotidien. Prenez l’exemple du ‘’surtourisme’’ : 75% agents de voyages déclarent que leurs clients veulent y échapper alors qu’en même temps ils souhaitent visiter ce qui est incontournable ! Les agences doivent s’appuyer sur leur connaissance terrain afin d’éviter certains jours, heures, saisons, etc, et orienter les touristes sur des sites qui sortent des sentiers battus. Ils peuvent également proposer, si possible, des billets coupe-file, voir des accès en temps réel sur smartphone aux statistiques de fréquentation.

i-tourisme : Quels comportements sont accentués par le e-tourisme ?

Les Français e-touristes adoptent un comportement « responsive ». Ils dialoguent avant, pendant et après le séjour et souhaitent un accompagnement online. Ils sont séduits par le multimédia de plus en plus immersif et souhaitent un niveau élevé d’informations pratiques comme des précisions sur le choix : du type de cabine, d’hébergement, de places, d’options, etc. De facto ils deviennent plus imprévisibles et plus opportunistes. Toujours à l’affut de l’effet d’aubaine, d’un traitement personnalisé ou d’un surclassement.

i-tourisme : Y-a-t-il des critères importants à souligner dans le choix des destinations ?

Les Français recherchent des séjours où ils peuvent découvrir de nouvelles activités, des « expériences thématisées », de l’originalité, de la nouveauté.91% des Agents disent que leurs clients, quand ils partent à l’étranger, se préoccupent que la destination proposée soit sûre. 42% citent également l’évitement d’aléas climatiques, malheureusement de plus en plus fréquents dus au réchauffement climatique. 41% insistent sur le respect de l’environnement une fois sur place. Enfin 22% seulement invoquent le respect des droits de l’homme et 9% des transports moins carbonés.

i-tourisme : Justement, comment est perçu le défi environnemental…

Cet aspect prend davantage d’importance dans le choix des destinations. Pour la première fois, il atteint la 6ème place sur 19, dans les critères de choix des Français. Ils comprennent de plus en plus l’importance de ce défi et acceptent de se situer dans une transition écologique. Ils sont avant tout concrets et cherchent des solutions tangibles constatées par des résultats. Ils demandent comment sont recyclées les eaux usées, si celles-ci font l’objet d’épandage sur les espaces verts, si les eaux de pluie sont récupérées, quelles sont les sources d’énergie utilisées et si des renouvelables sont à l’œuvre, si les hébergements sont isolés, admettent de prendre des douches plutôt que des bains, de faire attention à l’usage des serviettes, à récupérer les savons, à ne pas gaspiller la nourriture. Ils se tournent vers le covoiturage, pratiquent des vélos routes, la randonnée. Au final ils sont prêts à se mettre dans l’action s’ils en voient des résultats et que cela n’altère pas leur plaisir.

i-tourisme : Pour conclure, quelle place demain voyez-vous pour les agences de voyages ?

Eu égard à l’importance du e-tourisme, les agences traditionnelles se doivent d’être multicanal pour gérer la relation avant, pendant et après le séjour. Elles peuvent attirer les flux en étant ouvertes aux heures et jours où les clients sont disponibles. Elles peuvent gérer une base de données clients apte à des actions commerciales récurrentes, créer des mini événements autour de destinations, travailler sur rendez-vous, justifier d’un rapport qualité/ prix performant et de garanties indispensables. Pour les Français partir c’est avant tout un plaisir et pouvoir les accompagner pour apporter la sérénité à leurs voyages est une force. Le monde est de plus en plus accessible, mais aussi de plus en plus soumis à des événements de tous types qui demandent à être analysés et suivi avec beaucoup de professionnalisme pour se traduire par des conseils et choix prodigués en responsabilité. 

Retrouvez l’ensemble de l’interview sur : http://www.quotidiendutourisme.com/i-tourisme/levolution-de-le-tourisme-pour-les-agences-de-voyages/190552